Touy
Epouse de Séthi 1er et mère de Ramsès II
Article mis en ligne le 19 juin 2020
dernière modification le 22 mai 2020

Mouttouya (v. -1325 - v. -1258) ou Touy ou Touia ou Touya ou Tuja ou Mout-Touia ou Mout-Touy (Mwt-&wjj) est une reine d’Égypte de la XIXe dynastie, grande épouse royale de Séthi Ier et mère de Ramsès II, ainsi que de plusieurs autres enfants (deux filles et deux fils au moins). Elle naît vers 1325 avant notre ère et est issue d’une famille de militaires (comme son époux).

Elle est la fille de Raia, un officier supérieur, lieutenant général de la charrerie, et de Rouia, une chanteuse d’Amon1. On connait ses parents grâce à un bloc de grès, trouvé en 1939 près de l’entrée principale du temple de Ramsès III à Médinet Habou, puis perdu et redécouvert dans les années 70.

Épouse et mère, au faîte de la puissance

Colosse de Mouttouya, trouvé au Ramesséum - Musée du Vatican

À la mort d’Horemheb, ce fut un vieux vizir, arraché à sa paisible retraite, qu’un conseil de sages choisit pour gouverner l’Egypte. Il prit un nom qui deviendra célèbre : Ramsès. Le premier monarque d’une longue lignée qui comprendra onze Ramsès ne régna que deux ans (1293-1291 av. J.-C.). Lui succéda un pharaon d’une extraordinaire envergure, Séthi 1er. Ses treize années de règne furent un véritable âge d’or. Il contint la menace hittite, obligeant les redoutables guerriers des hauts plateaux d’Anatolie à camper sur leurs positions, et imposa le calme dans le turbulent protectorat de Syro-Palestine. Quant à son oeuvre architecturale, elle laisse pantois d’admiration : le grand temple d’Osiris à Abydos, dont les bas-reliefs sont dans un merveilleux état de conservation, la plus grande tombe de la Vallée des Rois où sont inscrits les « livres » majeurs concernant la résurrection de l’âme royale, le « temple des millions d’années » de Gournah sur la rive occidentale de Thèbes, une grande partie de la gigantesque salle hypostyle de Karnak sont ses créations les plus remarquables. Séthi 1er, il est vrai, était animé de l’énergie du dieu Seth, comparable à celle de l’éclair et de l’orage. Sa momie, bien conservée, impose le respect ; autorité et gravité sont les caractéristiques majeures d’un visage dont la mort et les siècles n’ont pas altéré la grandeur. Pour vivre aux côtés d’un tel pharaon, il fallait une grande épouse royale dotée d’une forte personnalité ; ce fut le cas de Touy, également appelée Mout- Touy pour souligner, comme chez Moutnedjémet, son rôle de « grande mère ». Moutnedjémet avait façonné un nouvel Horus, son mari Horemheb ; Touy donna naissance au « fils de la lumière », Ramsès II, qui régna soixante-sept ans [1].

Bouchon de vase canope de la reine Touya trouvé dans son tombeau dans la vallée des reines

Gardienne de l’esprit de la monarchie pharaonique, Touy vécut le dernier apogée de la puissance égyptienne. Après la mort de Ramsès II débutera une longue décadence que les pharaons, malgré quelques brillants sursauts, ne pourront que ralentir. Touy survécut au moins vingt-deux ans à son mari et, pendant les vingt premières années de règne de son fils Ramsès II, exerça une influence considérable à la cour. Une statue, conservée au musée du Vatican, la représente sous l’aspect d’une femme colossale et altière, de près de trois mètres de haut. La statuaire immense n’était pas réservée aux hommes, et l’on connaît plusieurs exemples de géantes de pierre, comme Néfertari à Abou Simbel ou Mérit-Amon, fille de Ramsès II, dont fut récemment retrouvée, à Akhmim, une effigie de huit mètres et d’une quarantaine de tonnes. Ramsès II éprouvait une véritable vénération pour sa mère. De nombreuses statues, de nombreux bas-reliefs lui sont dédiés et célèbrent sa mémoire.

Elle est souvent associée au pharaon, à son épouse et à ses enfants. À Thèbes, sur le côté nord de son « temple des millions d’années », le Ramesseum, Ramsès II fit construire pour Touy un petit sanctuaire en grès dont les piliers étaient couronnés de chapiteaux représentant le visage de la déesse Hathor ; l’édifice magnifiait la reine mère et sa fonction théologique. Dans ce temple féminin, auquel était associée Néfertari, la grande épouse royale de Ramsès II, était gravée une série de scènes particulièrement importantes aux yeux du roi. On y voyait, assise sur un lit, la mère royale Touy et le dieu Amon-, qui s’était épris de cette femme très belle, à la taille fine, au visage élégant. Combien réjouissante est ma rosée, dit le dieu, mon parfum est celui de la terre du dieu, mon odeur est celle du pays de Pount. De mon fils, je ferai un pharaon. Nous reconnaissons ici le thème de la naissance divine de Pharaon, déjà utilisé pour d’autres souverains, comme Hatchepsout ou Thoutmosis III.Vénérée dans tout le pays, Touy fut le symbole accompli de la reine mère, à la fois discrète et agissante, maintenant la tradition de femmes d’État attachée à la grandeur de l’Égypte. Une statue conservée au musée du Caire [2], haute d’1, 50 m, mérite d’être citée. Elle fut découverte sur le site de Tanis, dans le Delta, et provient probablement du splendide palais de la ville de Pi-Ramsès, également dans le Delta, l’une des très belles réalisations architecturales du règne de Ramsès II. Ce n’est pas une oeuvre « originale « , mais une statue du Moyen Empire que les sculpteurs de Ramsès le grand « réemployèrent » et remodelèrent ; si le volume du corps, la chevelure et d’autres détails furent modifiés, le visage de la reine lointaine de la douzième dynastie est demeuré inchangé, bien que l’inscription apposée sur la statue indique Touy. Il ne s’agit pas, comme on l’écrit souvent sans percevoir la symbolique égyptienne, d’une « usurpation », mais d’une incorporation symbolique du passé qui revit et redevient présent. Touy est à la fois elle-même et toutes les reines qui la précédèrent. Elle personnifie ainsi la continuité de la fonction de grande épouse royale à travers le temps et les dynasties.

Une reine pour la paix

L’un des temps forts du long règne de Ramsès II fut la guerre contre les Hittites. Ce peuple guerrier d’Anatolie voulait s’emparer des protectorats égyptiens, détruire la ligne de défense édifiée par les pharaons du [Nouvel Empire39] et conquérir les Deux Terres aux richesses si tentantes. Le conflit était inévitable, et son point culminant fut la bataille de Kadesh, en l’an 5 du règne. Le jeune roi faillit y perdre la vie mais, grâce à l’intervention surnaturelle de son père Amon qui répondit à son appel au milieu de la mêlée et n’abandonna pas son fils, Ramsès repoussa les Hittites et les forces du mal. Une victoire ? Plutôt une sorte de « match nul « . Les armées égyptienne et hittite, aussi puissantes l’une que l’autre, campèrent sur leurs positions, pendant que les services d’espionnage respectifs se livraient à diverses manœuvres de déstabilisation. Pour invraisemblable qu’elle apparût, une seule solution s’imposait : la recherche de la paix. Dans cette perspective, l’influence de Touy fut probablement décisive. En l’an 21 du règne de son fils, elle eut la joie d’assister à la proclamation du traité de non-belligérance et d’assistance mutuelle entre Egyptiens et Hittites, sous le regard des divinités des deux pays. La force de la parole donnée était telle que ce traité ne serait jamais rompu. Plus de trente ans de conflits plus ou moins ouverts s’éteignaient, et s’ouvrait une ère de paix pour le Proche-Orient. De sa main, Touy écrivit une lettre de félicitations à la reine hittite, qui, de son côté, avait milité pour obtenir la fin des hostilités. On procéda, bien entendu, à un échange de cadeaux.

Une demeure d’éternité dans la Vallée des Reines

Il est probable que Touy décéda peu de temps après avoir savouré le bonheur de cette paix, si difficile à obtenir. Âgée de plus de soixante ans, elle fut inhumée dans une tombe de la Vallée des Reines (n° 80), qui devait être superbement décorée et contenir un abondant et luxueux mobilier funéraire. Malheureusement, cette demeure d’éternité fut pillée et dévastée Un des couvercles des vases canopes, contenant les viscères de la reine, fut miraculeusement préservé ; il représente le visage de Touy, coiffée d’une lourde perruque. Son fin sourire enchante l’âme. Une extraordinaire jeunesse émane de cette modeste sculpture qui, perçant les ombres de la mort, préserve le souvenir d’une grande reine du Nouvel Empire.