Le Fayoum
Le jardin de l’Egypte
Article mis en ligne le 14 février 2024
dernière modification le 5 février 2024
carte du Fayoum

L’oasis du Fayoum, situé en plein milieu du désert lybique, à plus de 70 km au sud du Caire, offre des paysages riants et variés d’où émane une incroyable douceur de vivre. Irrigué par un bras aménagé du Nil, c’est la région la plus fertile d’Egypte. Mis en valeur par les hommes depuis des millénaires, ce véritable jardin au coeur du désert fournit à tout le pays ses plus beaux fruits et légumes.

Cette immense cuvette verdoyante de 1 827 km² qui s’étale au pied de la falaise lybique doit son nom au lac d’eau saumâtre qui occupe le centre de la dépression. Il se nommait autrefois Pa-yom - "la mer" - en égyptien. Les Coptes en ont fait Phiom d’ou dérive le nom actuel.

Improprement appelée "oasis", cette région particulièrement fertile ne doit pas sa richesse et sa prospérité à un point d’eau mais à un bras du Nil : le Bahr Youssef ("fleuve de Joseph" son nom copte) qui se détache à 400 km plus au sud, à hauteur de Deirut. Il court ensuite parallèlement à la rive ouest, avant de franchir une gouge entre des falaises calcaires, de pénétrer dans la dépression et d’aller se perdre dans les eaux du lac Qaroun.

Ce "lac des cornes" a une superficie de 600 km², 50 km d’est en ouest sur une dizaine de km à sa plus grande largeur. Situé à 44 m au-dessous du niveau de la mer, il présente une profondeur moyenne de 4 à 5 m, mais peut atteindre par endroits de 15 à 18 m. Au loin, les falaises de sable se reflètent dans ses eaux légèrement salées, irisées de rose pâle. Deux îlots, enchâssés dans des anneaux d’épaisses croûtes de sel, semblent flotter à la surface : Geziret el-Gaoun, le plus grand, à l’ouest, et El-Kenisa ("l’église"), à l’est, font face aux rives sablonneuses du nord et de l’ouest et aux forets de roseaux des marécages de l’est et du sud. Au dire des autochtones, le lac Qaroun serait l’un des rares lacs du monde à connaître des tempêtes. Ce qui n’empêche pas les pécheurs de s’aventurer sur ses eaux très poissonneuse.

Des jardins à l’ombre des vergers

Le Fayoum est extrêmement bien irrigué. Le temps y est rythmé par le mouvement incessant des saqiehs, ces norias qui, par centaines, remontent l’eau du bras du Nil vers les canaux d’irrigation. Ceux-ci sont également alimentés par le lac et par les eaux recueillies dans d’immenses réservoirs en pierre, d’innombrables sources.

Le Fayoum, qui dessine une mosaïque de parcelles colorées est cultivé avec un soin infini. En alternance avec les palmiers-dattiers, arbres traditionnels des oasis, des vergers émaillent la campagne. Les agrumes mais aussi les oliviers, les abricotiers, les figuiers, les grenadiers et les pêchers donnent de délicieuses et abondantes récoltes.

A l’ombre des arbres, les troupeaux d’ovins et volailles paissent à l’abri de la chaleur. Pas un seul centimètre carré de terre arable n’est perdu. Entre les rigoles d’irrigation, on exploite la vigne, on cultive les fleurs, le blé et le coton. Des cultures maraîchères intensives produisent des fraises - qu’on récolte presque tout au long de l’année -, des melons et des concombre, qui vont garnir en abondance les étals des marchés dans toute l’Egypte.

Medinet el-Fayoum - la Crocodilopolis des Grecs - est la capitale du gouvernorat du Fayoum, peuplé de près de 1,5 millions d’habitants. Traversé par le Bahr Youssef, la cité est toujours autant exubérante. Paysans et citadins s’y rencontrent traditionnellement lors du grand marché du samedi.

Une autre mer d’Aral ?

Le lac Moéris des anciens, que l’on croyait oeuvre humaine, est actuellement en voie d’évaporation. Il y a désormais loin du lac qui occupait jadis presque toute la surface du Fayoum. Seul émergeait alors le site de l’actuelle Medinet el-Fayoum. Le To-sha ("terre du lac") était sous l’Ancien Empire un lieu marécageux ou pharaon se plaisait à venir pêcher et chasser. Les premiers aménagements datent du Moyen Empire. Asséché en partie par Amménémès III, qui fait pratiquer d’importe travaux d’irrigation, le lac est ramené à ses proportions actuelles par Ptolémée II Philadelphe.

Le temple du sud

De nos jours, le lac Qaroun et les nombreuses sources du Fayoum sont surexploités. Depuis la construction du barrage d’Assouan, les crues du Nil ont disparu, et le Bahr Youssef, prolongé au XIXem siècle jusqu’à Assiout par le canal Ibrahimiya, destiné à irriguer la Moyenne Egypte, n’alimente plus le lac que trop modestement. Un apport insuffisant pour compenser l’évaporation et maintenir le niveau des eaux, richesse infiniment précieuse pour une région qui est à la fois jardin et verger de l’Egypte.